Des syndicats vent debout contre de nouvelles dispositions sur le droit de manifester

  • 2020-06-20 13:26:10
Ils contestent devant le Conseil d’Etat l’instauration d’« un régime d’autorisation inédit » qui « vient bouleverser des décennies de libertés ». Malgré un avis en ce sens du Conseil d’Etat, plusieurs syndicats et associations estiment que la liberté de manifester n’a pas complètement été rétablie par l’exécutif. Ils ont donc décidé de retourner devant la plus haute juridiction administrative pour contester les nouvelles dispositions prises par le gouvernement. Le Conseil d’Etat a en effet levé, le 13 juin, l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes imposée dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, rétablissant de fait la liberté de manifester. Rappelant qu’il s’agit d’« une liberté fondamentale », le juge des référés a considéré que, « sauf circonstances particulières », l’interdiction des défilés sur la voie publique « n’est justifiée par les risques sanitaires que lorsque “les mesures barrières” ne peuvent être respectées ou que l’événement risque de réunir plus de 5 000 personnes » − un seuil fixé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. « Un régime d’autorisation inédit » A la suite de cet avis, un nouveau décret a été publié le 14 juin par le gouvernement qui prévoit que les défilés « sont autorisés par le préfet de département si les conditions de leur organisation sont propres à garantir le respect » des gestes barrières. De nouvelles modalités qui reviennent pour la CGT, Solidaires, la Fédération syndicale unitaire, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, rejoints par Force ouvrière, l’UNEF et Droit au logement, à instaurer « un régime d’autorisation inédit » pour les manifestations. En temps ordinaire, les organisateurs d’un défilé ont seulement l’obligation d’informer la préfecture de la tenue de leur rassemblement afin que les autorités puissent l’interdire si besoin. « En moins de deux jours [après l’avis du Conseil d’Etat], sans débat, sans vote, sans consultation, le gouvernement a construit de toutes pièces et imposé un régime qui vient bouleverser des décennies de libertés », dénoncent-ils dans un communiqué publié vendredi 19 juin. Selon eux, « la liberté de manifester ne peut pas être suspendue à la seule volonté du pouvoir exécutif ». Dans la requête déposée devant le Conseil d’Etat par leur avocat, Me Mathonnet, ce dernier estime que ces nouvelles modalités portent « une atteinte manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales », dont celle de manifester, et demande la suspension de ces dispositions. Les régimes des déclarations et des autorisations préalables sont « fondamentalement » différents, rappelle-t-il. « Avec l’autorisation préalable, l’interdiction est le principe, la liberté l’exception, alors que c’est l’inverse dans un régime de déclaration préalable », critique-t-il. « C’est un cas d’excès de pouvoir » Selon lui, cette question ne relève par ailleurs « que de la loi » et, avec ce décret, « le premier ministre est complètement sorti de l’habilitation posée par le législateur ». « C’est un cas d’excès de pouvoir, attaque-t-il. D’ailleurs, le gouvernement en est conscient car il a inséré le régime d’autorisation préalable dans le texte de sortie de l’état d’urgence sanitaire. » Ce projet de loi, adopté mercredi en première lecture par l’Assemblée nationale et qui arrive au Sénat dès lundi, prévoit en effet de « soumettre à autorisation, au regard de la mise en œuvre des mesures barrières destinées à lutter contre l’épidémie de Covid‑19, les manifestations sur la voie publique ». C’est par la voie d’un amendement de la rapporteuse La République en marche du texte, Marie Guévenoux, que la modification a été apportée en commission des lois, lundi 15 juin. « Il est surprenant de voir le premier ministre édicter et maintenir une réglementation touchant au régime même d’une liberté publique, dont il ne peut ignorer le caractère manifeste illégal. Et de le voir attendre, fort opportunément, que le Conseil d’Etat suspende cette réglementation en passant par perte et profit la confiance des citoyens dans l’Etat lorsque ce dernier lui demande de restreindre l’exercice de leurs libertés », souligne Me Mathonnet. Si le projet de loi devait être définitivement voté en l’état, l’avocat s’interroge également sur sa constitutionnalité « pour les mêmes raisons » que celles qui motivent les organisations syndicales et associations à agir devant le Conseil d’Etat afin de contester le décret du 14 juin. « Un régime d’autorisation préalable, en lieu et place d’un régime de déclaration préalable, n’apporte aucune valeur ajoutée en termes de prévention des risques sanitaires, alors qu’il entraîne à l’égard de la liberté de manifester des restrictions parfaitement disproportionnées », juge-t-il. L’audience devant le Conseil d’Etat est fixée au lundi 29 juillet.

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