« J’ai traversé 12 pays, tout ça pour me retrouver dans cette impasse » : au Mexique, les migrants entre deux murs

  • 2019-12-07 18:50:21
Ils sont venus d’Amérique centrale, d’Afrique et même d’Asie, attirés par la politique humaniste du nouveau président mexicain. Mais sous la pression américaine, les contrôles ont été durcis. Mputu a le regard vide ; des gouttes de sueur perlent sur son front. Ce Congolais de 35 ans a beau être immunisé contre la chaleur moite du sud du Mexique, il ne résiste pas à la frustration. « J’ai traversé douze pays, raconte-t-il. J’ai risqué ma vie, des passeurs m’ont volé le peu que je possédais. Tout ça pour me retrouver dans cette impasse ! » Autour de lui, se dressent des dizaines de tentes devant le centre de rétention migratoire de Tapachula, ville mexicaine adossée à la frontière guatémaltèque. Comme Mputu, près de 3 000 Africains sont bloqués dans cette agglomération sans charme. La politique d’accueil des immigrés clandestins a été durcie par le président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador, souvent désigné sous l’acronyme d’AMLO, depuis l’accord signé, le 7 juin, entre Mexico et Washington. Ce virage stratégique, opéré sous la menace de son homologue américain Donald Trump, a transformé Tapachula en cul-de-sac migratoire. Des effluves de feux de bois flottent sur ce campement improvisé, où des enfants jouent au bord d’une route fréquentée. Voilà environ cinq mois que plusieurs centaines de Congolais, Camerounais et Angolais vivent là. Sous une bâche en plastique, un groupe de femmes en tenue bariolée cuisinent du foutou, des boulettes dont la farine de maïs a ici remplacé le manioc traditionnel de l’Ouest africain. A côté, un homme en caleçon profite d’une averse pour faire sa toilette. « Il n’y a pas de sanitaires ni d’accès à l’eau courante, peste Mputu. On ne nous donne rien. Les toilettes, c’est là-bas, derrière les arbres. » Electricien de profession, il paraît comme hypnotisé par l’épais portail métallique du plus grand centre de rétention du Mexique : ses hauts murs et son mirador confèrent au bâtiment des airs de prison. « J’y ai été enfermé huit jours », affirme Mputu, qui s’était rendu de lui-même à la police locale, espérant ainsi obtenir un laissez-passer. Il a vite déchanté : « Avant, le gouvernement mexicain donnait des visas de transit. Plus maintenant. Je n’ai reçu qu’un permis de résidence, valable uniquement dans le sud du Mexique. » « Pris en otage par Trump »Mputu contient sa colère, mais certains de ses compagnons de galère n’en sont plus capables. Ils lancent des pierres sur la vingtaine de policiers qui gardent le centre et brûlent des pneus. Bouclier au poing et casque vissé sur la tête, les agents chargent. Bilan de ces échauffourées : cinq blessés légers, dont deux policiers. « C’est insupportable d’être pris en otage par Trump », maugrée un Angolais quadragénaire, une pierre à la main. Après d’âpres négociations, le gouvernement mexicain a échappé aux taxes douanières dont l’avait menacé le locataire de la Maison Blanche. En retour, AMLO a accepté de freiner l’arrivée des clandestins au Mexique. Depuis, des dizaines de milliers de migrants sont coincés dans le sud du pays.

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