En Syrie, le martyre d’Havrin Khalaf, victime des chiens de guerre d’Ankara

  • 2019-11-22 09:29:47
L’assassinat, en octobre, de la jeune responsable politique kurde Havrin Khalaf illustre l’extrême violence des miliciens islamistes soutenus par la Turquie. Ce jour-là, dimanche 13 octobre, le désespoir des Kurdes de Syrie avait un visage. Sur la route du cimetière des « martyrs » de la petite ville de Derik, ils étaient des centaines à se presser en voiture, en camion, à moto, pour rendre un dernier hommage à Havrin Khalaf, jeune responsable politique, assassinée la veille. Située à l’écart de cette localité endormie du nord-est de la Syrie, la nécropole à la gloire des morts du mouvement kurde allait se refermer sur la dépouille, ravagée, de cette femme de 35 ans. Nous sommes ici dans un paysage vallonné, couleur de miel et de poussière, au cœur de ce Kurdistan imaginaire pour lequel tant de femmes et d’hommes ont péri. Au nord, l’horizon est turc. A l’est, les montagnes sont irakiennes. Ce dimanche d’octobre, le rituel funéraire du mouvement est respecté à la lettre : hymne national kurde, chansons révolutionnaires, salut aux armes, lamentations de vieilles femmes drapées dans leurs voiles, doigts en V, levés en silence en hommage aux combattants tombés… Mais ces funérailles ne sont pas un enterrement de plus dans une guerre sans fin : elles sont frappées du sceau de l’abomination. Depuis la veille, les images du véhicule de « la martyre Havrin », comme ils l’appellent désormais, tournent en boucle sur les téléphones. On le voit criblé d’impacts de balles, entouré d’une meute d’hommes en armes et en treillis. Tous font partie de groupes pro-Ankara partis quelques jours plus tôt, avec l’armée turque, à l’assaut du Nord-Est syrien, alors fief des Forces démocratiques syriennes (FDS), une force militaire à majorité kurde. Havrin Khalaf était la principale figure féminine, jeune et progressiste, d’une petite formation politique née dans l’orbite du mouvement kurde, le Parti du futur de la Syrie, portant une vision décentralisatrice pour l’avenir du pays. Ceux qui la connaissent évoquent une personnalité vive, intelligente, et une travailleuse acharnée. Femme célibataire, sans enfant, elle incarnait l’émancipation des femmes et leur arrivée à des postes de responsabilité voulue et mise en scène par le mouvement kurde. Pour prendre la mesure de l’émotion suscitée par sa mort, il faut revenir à ce samedi 12 octobre. Peu à peu, les témoignages émergent, le scénario se précise… Un barrage sur l’autoroute M4Ce matin-là, Havrin Khalaf se trouve à l’intérieur d’un 4 × 4 noir, en route vers le quartier général de son parti, à Aïn Issa, une localité située au nord de Rakka. Un chauffeur de l’organisation est au volant : Ferhad Ramazan.

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