Rapatriement de douze orphelins liés à l’EI : l’approche au cas par cas, « position constante » de la France

  • 2019-06-11 01:07:30
Dix enfants français et deux néerlandais, qui vivaient dans des camps du nord-est de la Syrie, ont atterri lundi 10 juin à l’aéroport de Villacoublay. C’est jusqu’ici le plus gros rapatriement en France d’enfants de djihadistes « orphelins, isolés et particulièrement vulnérables », acheminés depuis les camps de déplacés du nord-est de la Syrie sous contrôle kurde. Douze mineurs, pour la plupart en bas âge, présumés de nationalité française, et deux Néerlandais, sont arrivés dans un avion militaire, le 10 juin à la mi-journée, à l’aéroport de Villacoublay (Yvelines). Selon la procédure qui a été mise en place pour le retour d’un premier contingent de cinq enfants orphelins de djihadistes français, en mars, ils ont été remis aux services de protection à l’enfance, sous l’autorité du procureur de la République et de la protection judiciaire de la jeunesse. Les deux enfants en bas âge néerlandais, rapatriés à la demande des autorités de leur pays, ont été confiés dès leur arrivée à un représentant des autorités d’Amsterdam. Les Pays-Bas ont été jusqu’ici le seul pays européen à s’adresser à la France pour un tel retour. Les mineurs français, dont le plus âgé a 10 ans, vivaient dans deux des camps tenus par les forces kurdes, Al-Hol et Roj, où ont été accueillies des dizaines de milliers de personnes ayant fui les offensives contre le dernier bastion de l’organisation Etat islamique (EI). L’opération a été menée par le directeur du centre de crise du Quai d’Orsay, Eric Chevallier. Selon Abdel Karim Omar, un haut responsable des affaires étrangères de l’administration autonome kurde, non reconnue par la communauté internationale, l’opération s’est déroulée dimanche dans la localité syrienne d’Ayn Issa, près de la frontière avec la Turquie. Les autorités kurdes syriennes s’attendent à ce qu’un autre groupe d’orphelins soit remis prochainement à la France. « Au cas par cas »Une opération similaire, le 15 mars, avait permis le rapatriement de cinq mineurs. Une fillette de 3 ans dont la mère avait été condamnée à la prison à perpétuité en Irak avait été rapatriée le 27 mars. La doctrine française en la matière n’a pas changé, et reste celle d’une approche « au cas par cas ». La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a réaffirmé la « position constante » de la France : elle ne rapatrie que des orphelins ou des enfants avec l’accord de leur mère, comme le stipulent les règles du droit international. Quelque 450 ressortissants français ont été identifiés dans les camps du Nord-Est syrien. Plus de la moitié d’entre eux sont des mineurs en bas âge, nés le plus souvent sur place, ce qui complique leur identification. « Quand ils sont un peu plus âgés, et arrivés avec leurs parents, cela est plus simple, autrement nous nous basons sur un faisceau d’indices en fonction de l’âge, d’où ils viennent, des parents présumés », explique une source diplomatique proche du dossier, soulignant que le choix se fait aussi en tenant compte du critère de « vulnérabilité » de l’enfant. Le gouvernement, soumis à la pression des familles, a été sommé, fin mai, par le Défenseur des droits Jacques Toubon, de venir en aide aux enfants de djihadistes français retenus en Syrie, en faisant cesser les « traitements inhumains et dégradants » qu’ils subissent dans les camps et « de mettre fin aux atteintes aux droits et à l’intérêt supérieur de l’enfant ». L’avis n’exigeait pas explicitement le rapatriement, même s’il appelait « à des mesures effectives permettant de faire cesser la détention arbitraire des enfants français et de leur mère ». La Commission nationale consultative des droits de l’homme, dépendant du premier ministre Edouard Philippe, a, quant à elle, explicitement demandé le 29 mai le retour « sans condition » des enfants détenus dans ces camps, appelant la France à abandonner sa politique de rapatriement « au cas par cas » jugée « contraire à la simple humanité, comme aux obligations auxquelles [la France] a souscrit ». Les avocats des familles s’appuient sur ces deux avis pour augmenter la pression sur Paris. Les autorités restent très prudentes et hésitent même à rapatrier des enfants avec l’accord de la mère, craignant de voir ensuite le tribunal, saisi par les familles, exiger, « au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant », le retour de la mère, voire, à terme, du père. Rapatriement organisé dans le plus grand secretLe communiqué du Quai d’Orsay remercie les « responsables locaux du nord-est de la Syrie de leur coopération ». Les Kurdes syriens du Parti de l’union démocratique (PYD), qui contrôlent le Rojava (le Kurdistan syrien), jouent un rôle clé dans ces rapatriements.

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