Crise migratoire à la frontière entre Pologne et Biélorussie : « Nous sommes devenus des pions »

  • 2021-11-18 14:09:38
Chair à canon du régime Loukachenko, des milliers d’exilés, souvent des Kurdes irakiens leurrés par des réseaux mafieux, sont poussés vers la frontière polonaise, après avoir subi un calvaire d’humiliations et de mauvais traitements. Leurs corps épuisés, affamés, travaillés par le froid, la fatigue et l’angoisse se sont transformés à leur insu en armes, dans une guerre qui n’est pas la leur. Mercredi 17 novembre au matin, ils étaient encore quelques milliers d’exilés échoués aux portes de l’Union européenne, après avoir été poussés la veille par les forces biélorusses à enfoncer la frontière polonaise. Kurdes irakiens en très grande majorité, fuyant un avenir bouché dans leur pays d’origine, ils ont été attirés dans ce piège infernal à la suite de l’orchestration, par Minsk, d’afflux migratoires vers l’Europe en provenance du Moyen-Orient, via la Pologne et la Lituanie. Pour le régime biélorusse, ces hommes, ces femmes et ces enfants constituent de la chair à canon destinée à déferler sur ses adversaires occidentaux, en représailles aux sanctions imposées après la répression violente du soulèvement populaire de 2020 contre la réélection du président Alexandre Loukachenko. Le Monde a pu joindre certains d’entre eux quelques heures après la confrontation organisée par les militaires biélorusses entre ces migrants et les forces polonaises qui gardent leur frontière comme une citadelle assiégée. « Nous avons été rassemblés comme du bétail par les Biélorusses », raconte au téléphone Nishan, 26 ans, la voix griffée par une toux constante et mauvaise (Nous ne publions pas le nom de familles pour préserver la sécurité des migrants). En Biélorussie depuis début novembre, il est arrivé dans le pays avec un groupe de douze personnes, dont des enfants, en provenance du Kurdistan irakien. « Au début du mois, nous étions éparpillés dans la forêt en petits groupes, on était seuls et on ne savait pas où aller. Puis les policiers ou les militaires biélorusses sont venus pour nous regrouper », explique le jeune homme. D’après lui, les hommes de Minsk ont accompagné d’humiliations violentes ce travail de rabattage. « J’ai reçu un coup de poing dans la poitrine parce que je refusais de répondre à leurs ordres, raconte-t-il. Nous avons demandé à un groupe de militaires de nous donner de l’eau. Ils ont sorti leur sexe et nous ont dit qu’on pouvait boire leur urine. »

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