En Chine, les Ouïgours internés dans des camps envoyés à l’usine pour du travail forcé

  • 2020-12-21 21:28:28
Pékin, avec ses entreprises paramilitaires, a organisé à grande échelle le travail forcé des minorités musulmanes de la région autonome du Xinjiang, en particulier dans le textile. Internée un an à partir d’octobre 2017 dans sa région d’origine, dans l’ouest du Xinjiang, en Chine, Dina Nurdybai a alterné les formes de travaux forcés. Dans l’un des sept lieux où elle fut emprisonnée pour subir des séances d’endoctrinement, dans le comté de Nilka, à une centaine de kilomètres de la ville de Ghulja, les détenus empruntaient un couloir qui menait à une autre partie sécurisée du complexe. De là, les plus jeunes, qui parlaient bien le mandarin, étaient répartis dans des ateliers au toit bleu pour du travail sur le textile ou la confection de produits alimentaires. Dina fut d’abord contrainte à des travaux agricoles en équipe, avant de coudre des uniformes scolaires. « L’endroit était très sécurisé, avec des gardes armés et des barrières, personne ne pouvait s’en approcher, ni entrer ni sortir », précise-t-elle. Toute cette activité économique, pour laquelle elle n’a pas été payée, contribuait à la prospérité de la branche locale d’un vaste réseau d’entreprises paramilitaires mis en place dans les années 1950 par l’Etat chinois pour cimenter son emprise sur ces immenses territoires : le bingtuan, le « Corps », pour « Corps de production et de construction du Xinjiang ». Jointe à Almaty, au Kazakhstan, Mme Nurdybai, qui est chinoise d’ethnie kazakhe, fait partie des rares personnes libérées, sous la pression de sa famille au Kazakhstan. C’est la détention d’un permis de séjour du Kazakhstan, ainsi que l’utilisation de WhatsApp sur son smartphone, qui ont motivé son arrestation en Chine, comme des milliers d’autres Kazakhs et surtout Ouïgours, les deux principales minorités turcophones et musulmanes du Xinjiang, ciblées par une politique d’internement massif depuis 2017. Un autre témoin sorti de Chine, la Ouïgoure Tursunay Ziavdun, a expliqué au Monde que parmi ceux qui terminaient les « sessions de formation », l’euphémisme pour l’internement, les détenus sans emploi étaient placés d’office dans des usines. Plus récemment, un Ouïgour parti de France pour se marier au Xinjiang et interné en 2017 a resurgi sur les réseaux sociaux pour révéler qu’il travaillait désormais en usine et rentrait chez lui toutes les deux semaines. Ecosystème de travail forcé Outre ces témoignages, d’innombrables indices attestent aujourd’hui l’imbrication étroite entre la politique d’internement de masse des Ouïgours à partir de 2017 et la mise au travail de ceux que l’Etat chinois considère « réformables » – les autres étant envoyés en prison – dans des ateliers ou des usines, parfois à l’intérieur de camps. Cet écosystème de travail forcé laisse très peu de choix aux intéressés, même dans les cas où ils sont rémunérés. Début 2019, l’envoyé du Monde au Xinjiang avait vu dans la banlieue nord de la ville de Hotan une immense « base de formation et d’emploi pour le textile » ornée du slogan : « Des mains diligentes tissent une vie heureuse et belle ». Un Ouïgour rencontré à proximité avait déclaré que son frère y « étudiait le Parti communiste ».

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