en Arménie, l’angoisse des familles des disparus de la guerre dans le Haut-Karabakh

  • 2020-11-28 18:04:06
Plusieurs centaines de soldats sont portés disparus depuis la fin du conflit. Le premier ministre a présenté ses excuses aux familles et promet de faire le maximum. La dernière fois qu’elle a eu son fils au téléphone, le 4 octobre, la conversation a étrangement duré près de dix minutes. D’habitude, le jeune soldat raccrochait au bout de quelques secondes, juste le temps de dire que tout allait bien, qu’il était vivant. Alors Marine Poghossian, 41 ans, s’est inquiétée. « Il y a quelque chose que je devrais savoir ? » « Non, ne t’inquiète pas, tout est normal », a menti le jeune homme. Gor, 20 ans, n’a plus donné de nouvelles depuis. Il a disparu, comme des centaines d’autres soldats déployés dans la guerre dans le Haut-Karabakh face à l’Azerbaïdjan. Dévorée d’angoisse, Marine Poghossian a songé à partir au front pour aller à sa recherche, avant de renoncer : la seule fois que cette couturière a manié une arme, c’était à l’école soviétique, lorsqu’on lui avait appris à monter et démonter une kalachnikov. Aucun chiffre officiel n’est encore disponible, mais selon Artur Sakunts, militant des droits de l’homme et président de la branche arménienne de l’Assemblée des citoyens d’Helsinki, un réseau d’acteurs de la société civile, le nombre de disparus s’élèverait à « plus de 500 ». Pour les familles, chaque jour qui passe est un supplice. Plus de deux semaines après le cessez-le-feu, signé le 9 novembre, elles n’ont pourtant d’autre choix que d’attendre, impuissantes, que les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises listent les noms de leurs prisonniers, procèdent aux échanges, ramassent les corps abandonnés sur place lors des combats et parviennent à les identifier. Un processus d’autant plus lent que le Haut-Karabakh et les zones tampons reconquises par l’Azerbaïdjan sont désormais jonchés de mines. Le 23 novembre, l’une d’elles a explosé dans le district de Tartar, au passage d’une délégation internationale chargée de chercher les disparus. Un officier azerbaïdjanais a été tué, et quatre responsables arméniens ainsi qu’un militaire russe ont été blessés, a annoncé la Russie, dont 1 960 soldats sont déployés pour veiller au maintien de la paix. Le ministère arménien de la défense a mis sur pied une commission spéciale pour collecter les informations sur les disparus, mais son efficacité est largement décriée. Exaspérées, les familles manifestent depuis plusieurs semaines devant le siège du gouvernement et le ministère, accusé d’incompétence. Depuis qu’il participe au processus de recherches, le 13 novembre, le Comité international de la Croix-Rouge en Arménie les voit aussi régulièrement défiler sous ses fenêtres. « Nous savons que les familles meurent d’angoisse et sommes très conscients du fait que plus le temps passe, plus le processus d’identification est difficile, admet Zara Amatuni, porte-parole de l’organisation. Mais ce n’est malheureusement pas l’affaire de quelques jours. »    

متعلقات