Haut-Karabakh : l’étau se resserre sur Stepanakert, la « capitale » de l’enclave séparatiste

  • 2020-11-05 17:53:02
Les forces azerbaïdjanaises ont coupé à deux endroits la route qui relie la ville à l’Arménie via le corridor de Latchine. C’est entre un hurlement funèbre et un cri de rage. Un bref instant, Armen s’effondre, et glace d’effroi les infirmières pourtant endurcies par sept semaines de guerre. Armen arrive, avec son camarade Gevork, du front de Karin Tak. La bataille à laquelle s’y livrent les forces azerbaïdjanaises et karabakhtsies, dans les forêts, dure depuis cinq jours. Les deux soldats déposent trois camarades à l’entrée des urgences de l’hôpital de Stepanakert. Découvrant l’état des blessés à l’arrière de l’ambulance, une infirmière ordonne qu’on apporte deux civières et un fauteuil roulant : le premier est mourant ; le deuxième a été atteint à la tête par un éclat et se tient l’oreille droite pansée à la hâte ; le troisième est moins gravement touché, il s’assoit dans le fauteuil et, pour masquer sa détresse, s’enfouit le visage dans sa chapka. Armen sait qu’il ne reverra pas le premier, et hurle son impuissance. Gevork l’emmène. « Unités subversives » S’ils ne sont pas encore parvenus à vaincre à Karin Tak, dernière ligne d’une défense acharnée avant un assaut de Chouchi, la ville historique du cœur du Haut-Karabakh, les attaquants azerbaïdjanais ont contourné le front et ont atteint, mercredi 4 novembre, au moins en deux endroits, la route stratégique qui relie Stepanakert, la « capitale » de la « République d’Artsakh », à Goris, en Arménie. Une première unité, qui commençait à gravir dans la nuit la montagne à l’est de Chouchi, a été repoussée. « On en a tué la moitié et les autres se sont enfuis », témoigne un combattant, les traits tirés après des heures de combats nocturnes. En revanche, une seconde unité, passée par l’ouest de Chouchi, est arrivée aux abords de la route. Pour la première fois depuis l’offensive azerbaïdjanaise du 27 septembre, les autorités de Stepanakert ont dû se résoudre à annoncer, mercredi, la fermeture de la route qui va de Stepanakert à l’Arménie via le corridor de Latchine. On ignore ce qu’il se passe précisément sur cet axe devenu impraticable : l’assaillant azerbaïdjanais y a-t-il pris position durablement ou la route est-elle simplement trop proche des combats ? Les forces arméniennes se sont contentées d’expliquer qu’elles devaient affronter « des unités subversives », sans préciser les lieux ni la nature des combats. La situation des défenseurs arméniens du Haut-Karabakh est critique. L’objectif de l’offensive en cours est non seulement de couper la route Stepanakert-Goris, mais de conquérir Chouchi. Outre qu’elle est stratégiquement perchée sur les montagnes qui dominent Stepanakert, la ville est un symbole pour les deux camps. Longtemps une cité mixte habitée par les deux communautés et un centre culturel azerbaïdjanais ayant inspiré musiciens et poètes, sa conquête, en 1992, par les Arméniens, durant la première guerre du Haut-Karabakh (1988-1994), fut la première d’une série de victoires qui leur assura le contrôle de la région disputée. La perte de Chouchi fut au contraire vécue comme une humiliation indélébile par l’Azerbaïdjan.    

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