En Pologne, l’avortement devient quasiment illégal après une décision de justice

  • 2020-10-23 12:40:02
L’avortement pour malformation grave du fœtus, jugé illégal par le tribunal constitutionnel, concerne 98 % des IVG dans un pays qui a déjà une des législations les plus restrictives en Europe. L’annonce est tombée tel un coup de tonnerre. Jeudi 22 octobre vers 16 heures, après cinq heures de délibéré, le tribunal constitutionnel polonais, très étroitement contrôlé par le pouvoir national conservateur du PiS (Parti Droit et justice), et considéré comme illégitime par une partie de l’opposition, a rendu un arrêt jugeant inconstitutionnel l’avortement dans le cas d’une « malformation grave et irréversible » du fœtus ou d’une « maladie incurable ou potentiellement mortelle ». Il s’agissait – avec les cas de viols, d’inceste ou de menace pour la santé et la vie de la mère – d’un des quatre cas où l’avortement était jusque-là autorisé dans le pays, faisant de la législation polonaise une des plus restrictives d’Europe. En 2019, 98 % des 1 100 avortements légaux recensés en Pologne concernaient précisément la malformation du fœtus. L’arrêt du tribunal constitutionnel revient ainsi à une quasi-interdiction de l’IVG. Il entrera en vigueur dès sa publication au Journal officiel, attendue dans les prochains jours. Détourner l’attention Toute la journée, devant le siège du tribunal et dans des voitures klaxonnant à travers les rues de Varsovie, des femmes vêtues de noir ont tenté de contourner les restrictions sanitaires, brandissant pancartes et cintres – symboles de l’avortement clandestin. Face à elles, les fondamentalistes catholiques, également en nombre, déployaient devant le tribunal d’immenses banderoles montrant des fœtus mort-nés. Les deux groupes étaient séparés par un cordon de police. La requête avait été déposée au tribunal par un groupe de députés du PiS et du parti d’extrême droite Konfederacja. Les parlementaires demandaient si le critère de pathologie de l’embryon ne serait pas une « légalisation de pratiques eugéniques envers des enfants non nés, contraire au principe de respect de la dignité humaine ». Deux projets de loi d’initiative citoyenne visant à une interdiction totale de l’avortement avaient déjà échoué en 2016 et en 2018, après d’imposantes « manifestations noires » de femmes à travers le pays. Ce sujet, socialement très sensible, n’a jusqu’ici jamais été une priorité du chef du PiS et homme fort du pays, Jaroslaw Kaczynski, qui a systématiquement noyé ces projets dans les méandres des commissions parlementaires. Désormais, le contexte a changé : le chef de la majorité, devenu vice-premier ministre, se retrouve sous une pression accrue de son aile droite ainsi que de l’Eglise. Cette question explosive permet aussi de détourner l’attention de l’opinion publique de la gestion jugée chaotique de la crise due au Covid-19 par le gouvernement.

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