Entre Moscou et Abou Dhabi, une relation privilégiée

  • 2019-03-07 22:09:18
Mohammad ben Zayed (MBZ) et Vladimir Poutine signent plusieurs papiers à la suite. Sourire en coin pour le prince héritier d’Abou Dhabi, sourcils froncés pour le président russe, ils se savent attentivement observés par les caméras. Une minute plus tard, la nouvelle est devenue officielle : Abou Dhabi et Moscou ont désormais forgé un partenariat stratégique. Le symbole est fort et lourd de sens : les EAU sont le seul pays du Golfe à avoir signé ce type d’accord avec la Russie. Enchaînant avec une poignée de main vigoureuse et une brève pose sourire pour les photographes, les deux dirigeants viennent de solidifier leur coopération bilatérale qui a vocation à s’étendre un peu plus à divers domaines : politique, économique, sécuritaire, militaire ou encore culturel. Une coopération d’autant plus facilitée par le fait que les deux États autoritaires partagent une même vision du pouvoir et du monde. Alors que Moscou cherche à renforcer un peu plus ses relations avec le Golfe, sa relation privilégiée avec Abou Dhabi est un élément qui devrait ressortir lors de la visite aux EAU du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, aujourd’hui. Cet arrêt marque la dernière étape de sa tournée dans la péninsule Arabique lancée lundi. Voyageant de Riyad à Abou Dhabi, en passant par Doha et Koweït, l’objectif du ministre russe des Affaires étrangères est de préparer la venue de Vladimir Poutine dans le Golfe dans le courant de l’année et de discuter de l’évolution des dossiers régionaux tels que la Syrie, la Libye et le conflit israélo-palestinien avec les dirigeants arabes. En ce sens, « les EAU considèrent la Russie comme un agent de force dans la région – ce qui n’est pas très différent de la vision des autres pays du Moyen-Orient – mais la Russie et les EAU partagent plus d’objectifs », explique à L’Orient-Le Jour Anna Borshchevskaya, chercheuse à l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient et à la Fondation européenne pour la démocratie. MBZ avait par ailleurs déclaré, lors de la signature de la déclaration de partenariat stratégique, que « la Russie est un pays majeur qui joue un rôle vital dans le maintien de la sécurité et de la stabilité régionales et internationales », avant d’ajouter qu’« il est nécessaire que nous maintenions une coordination continue avec la Russie sur des questions régionales ». Carte stratégique « Les positions entre la Russie et les EAU sont plus proches en ce qui concerne leur définition du terrorisme » contrairement aux autres pays du Golfe, observe Mme Borshchevskaya. Les deux pays se rejoignent notamment dans leur haine de toute forme d’islamisme politique. Signe de la convergence des visions russe et émiratie sur l’avenir de la Syrie incluant le président syrien, Abou Dhabi a notamment été le premier pays du Golfe à rouvrir son ambassade à Damas en décembre dernier. Une démarche qui indique l’intérêt des EAU à s’investir dans la reconstruction du pays. Elle lui permettrait de tenter de s’insérer dans la complexe équation des négociations de paix d’une part, tout en cherchant à contrecarrer la présence iranienne en Syrie. Une carte stratégique pour Abou Dhabi, alors que les velléités expansionnistes de Téhéran sont dans sa ligne de mire et dans celle de Riyad. Le prince héritier émirati a notamment poussé en faveur d’un rapprochement entre Washington et Moscou suite à l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche en novembre 2016, a rapporté The New Yorker en juillet dernier. Des représentants émiratis ainsi que des officiels israéliens et saoudiens « ont encouragé à plusieurs reprises leurs homologues américains à envisager de mettre fin aux sanctions liées à l’Ukraine en échange de l’aide de Poutine pour le retrait des forces iraniennes », précise le magazine américain. Si l’administration Trump se fait plus indulgente à l’égard du président russe que les précédentes, la stratégie émiratie qui consiste aussi à investir massivement en Russie ne semble pas avoir porté ses fruits, alors que l’Iran reste l’un des acteurs majeurs en Syrie. Sur la question de la guerre au Yémen, « les EAU perçoivent la Russie comme un médiateur, quelqu’un qui peut parler à toutes les parties », indique la spécialiste. Abou Dhabi dirige notamment une coalition avec Riyad depuis mars 2015 pour venir appuyer les forces du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles houthis. Sur le dossier libyen, les deux parties soutiennent le commandant en chef de l’Armée nationale libyenne, le maréchal Khalifa Haftar, face au chef du gouvernement libyen internationalement reconnu, Fayez el-Sarraj, et cherchent à tirer leur part du gâteau dans les négociations. AFP.

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